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Agence française de l'Adoption : la colère des associations

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Agence française de l'Adoption : la colère des associations

Guill | 31/05/2007

Un an après la mise en place de l'Agence française de l'adoption (AFA) les associations d'adoptants se plaignent du mauvais rendement et de la mauvaise communication de l'agence. Elles manifestent samedi Boulevard Henry IV.

25000 familles possèdent un agrément pour pouvoir adopter un enfant. 8000 nouveaux agréments sont donnés chaque année mais à peine 4000 adoptions sont réalisées. Jusqu'au 18 mai 2006, les candidats munis de leur agrément passaient par une OAA  (organisme d'adoption agréé, associations constituées le plus souvent de bénévoles  qui croulaient sous les demandes) ou se débrouillaient tout seul (en individuel selon le vocabulaire consacré). L'agence de l'adoption a été créée comme une sorte de  "super OAA" qui aide les familles à préparer leur dossier. Elle sert de point de contact avec certains pays (notamment ceux qui refusent l'adoption individuelle). Elle s'ajoute aux actions des OAA (36% des adoptions) et aux procédures d'adoption individuelle (64% des adoptions).

L'Afa faisait d'ailleurs partie d'un package législatif plus général pour faciliter la démarche de l'adoption. Réforme de l'agrément, doublement de la prime adoption, création d'une agence spécialisée qui permettrait de doubler le nombre d'adoptions par an. Elle fut créée le 18 mai 2006, avec un an de retard sur le calendrier prévu.
Son bilan pour son premier anniversaire est éloquent : nombre d'adoptions en baisse pour la première fois depuis des années, ajout d'un échelon administratif dans ce qui était déjà un très complexe écheveau, déclarations très limites de sa présidence qui opposent l'AFA à ses usagers,  des candidats adoptants  très en colère,  et surtout des pratiques de "non sélection" des dossiers qui ont mis le feu aux poudres au nom de l'égalitarisme et de l'éthique.

3977 adoptions en 2006 (plus de 4000 en 2005). Ce chiffre, peu glorieux,  en cache un autre, effarant.
L'AFA pour sa première année de fonctionnement a réalisé 6 adoptions en tout. Même si on ne peut pas lui dénier un temps de latence au démarrage, on ne peut que rester coi devant un résultat aussi misérable. 4 millions d'euros, 6 adoptions.

Mais ce qui a le plus de mal à passer ce sont les errements de la communication. Dans un monde aussi difficile que l'adoption internationale, l'attitude de Laure de Choiseul, présidente de l'AFA passe très  mal.


L'AFA est une entité nécessaire
Citation du site Web de l'agence :  " l’AFA a pour mission d’informer, de conseiller et d’accompagner les familles qui feront appel à ses services". Objectif ? Leur éviter au maximum les nombreuses difficultés ou tracasseries qu’elles risquent de rencontrer au cours de leurs démarches. L’ Agence ne cherche pas à se substituer aux O.A.A. existantes : elle offre un service différent aux demandes individuelles ou encadrées et facilitera leurs démarches en les sécurisant".
Sécuriser l'adoption, c'est ce vocable qui permet à l'AFA à la fois de justifier son existence mais aussi ses pratiques.
De nombreux pays refusant les démarches individuelles, l' AFA est une entité absolument nécessaire. Tout le monde a d'ailleurs accueilli le principe de sa création. Elle a de plus vocation à se substituer à la Mission de l'adoption internationale menée jusque là par le ministère des affaires étrangères (qui traitait quelques centaines des adoptions individuelles annuelles).

"Nous savons par exemple que la France adopte 500 enfants en Chine par an, quand l'Espagne en adopte 1000. Peut-être qu'en préparant mieux leurs dossiers, les familles françaises auront plus de chance". C'est ce que disait Laure de Choiseul sur TF1 le 18 mai 2006.
Prévoyant peut être des difficultés futures elle a tout de suite ajouté que sa mission consistait aussi à "informer les familles sur les réalités de l'adoption internationale". Dans les faits  l'AFA a compliqué la tâche des familles.
Certaines associations, comme l'EFA une des plus importantes, préfèrent travailler en bonne entente avec l'AFA malgré les difficultés. Elles s'opposent donc à la manifestation de samedi. Le débat mérite donc d'être posé de manière claire. Voici donc la liste des griefs qui faits à l'AFA  :

L'ajout d'un échelon administratif
L'AFA exige des candidats une lettre de motivation et une fiche de renseignements avant d'accepter les dossiers complets et de leur envoyer le Projet de Mise en relation (PMR).  Une fois le PMR reçu on peut alors constituer son dossier. «Cela retarde d'au moins trois mois une procédure déjà bien longue ; beaucoup d'associations parlent plutôt de six mois.  «Ce n'est pas du temps perdu, explique Laure de Choiseul, (dans Libération) cela nous aide pour faire correspondre les projets aux demandes des pays.» .
Elle ajoute, avec peut-être un brin de perfidie ou de condescendance «Il y a un principe de réalité difficile à accepter pour des adoptants, dans la demande et l'émotion».


Des pratiques discutables
Une fois que l'AFA a été agréée comme organisme par le Vietnam, 1500 dossiers sont très vite arrivés pour 200 enfants. Solution choisie par l'AFA pour sélectionner les candidats : un tirage au sort devant huissier. Il met le feu aux poudres.
« Que pouvions-nous faire ? interroge Chantal Cransac, porte-parole de l'agence. Nous sommes une agence publique, nous n'avons pas le droit, contrairement aux organismes privés, de faire une sélection. » (Le point 12.04.07).


Il aurait été possible, assez simplement, de baser le choix des candidats sur des critères objectifs qui donc ne seraient pas assimilés à une "sélection"... l'âge du capitaine, ou plutôt la date de l'agrément aurait  par exemple mis tout le monde d'accord.
D'autant que ceux qui ne sont pas chanceux, sont bon pour recommencer l'année d'après tout le circuit... L'AFA n'ayant pas voulu mettre en place de liste d'attente. Pour habituer les usagers aux "réalités de l'adoption internationale" ?

L'AFA ne se gène d'ailleurs pas pour parfois refuser de transmettre un dossier, sur des critères tout à fait différents de la loterie.  La Chine refusant les candidats obèse, elle annonce ne pas prendre de dossier de personnes ayant un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 40.
L'AFA, estimant qu'il "faudrait mieux" être en dessous de 35, refuse  son aide à un couple dont la femme a un indice de 37.
N'est-ce pas là exactement une sélection sur critères, absolument illégale ? Et en tout état de cause, parfaitement, inutilement, humiliante ? Cette "sécurisation" de l'adoption finit par coûter cher...

La  technique de sélection des 30 dossiers pour le Cambodge  n'a pas non plus aidé à apaiser les relations associations/AFA.  L'AFA a signalé au dernier moment qu'elle laisserai la possibilité aux gens d'envoyer un pré-dossier pour le Cambodge uniquement à la date du 22 mai. Il fallait que le courrier soit posté le 22 mai. Ils ont expliqué ensuite qu'ils prendraient les dossiers "par ordre d'arrivée". 

Avantage bien sûr à ceux qui ont utilisé la poste du Louvre... Ces critères ont fini par être changés. Mais le mal était fait. L'introduction d'un aléatoire pas même vérifiable par huissier, un aléatoire hors de contrôle, la brutalité  arbitraire de la procédure (pourquoi ne faudrait-il qu'un seul jour pour recevoir les dossiers ?) ont augmenté la colère des associations, assez à fleur de peau pour mal prendre cette déclaration de Laure de Choiseul.

«Il faut la moraliser (l'adoption - NDLR). Si j'adoptais, je ne voudrais pas que mon enfant me demande plus tard : "Combien tu m'as acheté ?"»

Mais est-ce bien meilleur de dire à son enfant qu'on l'a eu grâce à une loterie organisée par des huissiers ?
Laure de Choiseul a peut-être le mérite de ne pas avoir sa langue dans sa poche, mais ce n'est pas une championne du tact. Il ne faut pas oublier qu'elle s'adresse à des familles qui ont basé tout un projet de vie derrière la procédure de l'adoption. Et l'idée de moraliser l'adoption implique donc que les adoptants d'avant ont certainement nagé en eaux troubles. Ce qui n'aide pas à l'intégration des enfants arrivés avant que l'adoption ne soit "moralisée".

Gestion de la pénurie
Cependant les difficultés sont réelles. Il est de plus en plus difficile d'aller adopter à l'international.
Le Brésil veut limiter l'adoption aux seuls brésiliens, la Chine a fortement durci ses critères et limité le nombre d'enfants "adoptables"...  Le projet de doubler le nombre d'adoption a vite été passé par perte et profits; Est-ce justement une raison pour rendre les candidats encore plus fragiles et vulnérables ?

Enfin la situation devient concurrentielle. Les pays demandent aux organismes homologués de réaliser des projets humanitaires pour pouvoir être agréés.  C'est une situation qui n'a pas été prévu par les statuts de l'AFA et qui pourtant, soulignent les associations , existait depuis bien longtemps. De nombreuses circulaires vietnamiennes avait prévu un tel système de "donnant donnant" bien avant l'existence de l'AFA.  Mais l'agence n'a pas le budget pour lutter contre la "concurrence" américaine ou canadienne, mieux organisée. Ce terme de "concurrence" est bien vilain. mais il montre que d'autres états se font fort d'offrir à leurs ressortissants la possibilité d'adopter plus facilement et dans le respect des règles édictées par chaque pays.

L'AFA risque donc de devenir, au nom de la "sécurisation" de l'adoption, l'adepte d'un malthusianisme, partageons au plus mal les maigres ressources, qui déplaît fortement aux familles. C'est une façon de baisser les bras (n'y a t’il pas d'autres pays qui ont des enfants en souffrance ? Ne peut on pas créer des listes d'attentes plutôt que d'éliminer ceux qui n'ont pas gagné le tirage au sort ? L'accompagnement des familles ne pourrait-il pas gagner un peu en humanité ? ) et de s'en remettre à la providence qui est tout a fait désastreuse pour les gens qui ont pris une décision si importante pour leur vie.

Sur toutes ces difficultés l'EFA  (enfance famille adoption, qui regroupe plus de 10 000 parents d'enfants adoptés) a une position différente des associations qui manifestent dimanche. Elle approuve les tirages au sort et refuse les listes d'attentes. L'association a tout de même surpris par la virulence de son point de vue, alors que nombre des manifestants de samedi en sont membres. Le voici tel qu'on peut le lire sur son forum :
"Discréditer l'AFA dans les médias fera-t-il avancer les choses ? On peut en
douter. Par contre cela donnera des adoptants, à une opinion publique peu informée, l'image d'un lobby de défense de consommateurs, confortant ainsi celle que nous collent volontiers les mouvements anti-adoption.
Enfin, dans les pays d'origine, ça n'améliorera certainement pas l'image de
l'adoption française... L'expérience des années passées a plusieurs fois montré les conséquences involontaires de ce type d'actions."

Faut-il alors faire le silence dans les rangs, ou se battre pour tenter d'améliorer ce qui peut encore l'être ?
La manifestation de samedi servira au moins à lancer le débat, et à rappeler à l'Agence certains de ses fondamentaux qu'elle donne l'impression d'avoir un peu mis de côté : informer, conseiller, accompagner.


http://www.coeuradoption.org/
http://www.adoptionefa.org/
http://www.agence-adoption.fr/



anonyme

01/06/2007 - 09:16

Rectification des données chiffrées

Bonjour, je me permets d'intervenir pour corriger vos données chiffrées, qui datent : il n'y a pas 25 000 mais 30 000 familles en possession d'un agrément pour pouvoir adopter un enfant (mais beaucoup ne font pas de démarches pour concrétiser leur projet d'adoption). Il n'y a pas "à peine 4000 adoptions" par an mais 5000, car il ne faut pas oublier le millier d'adoption d'un pupille de l'Etat réalisé chaque année en France : l'adoption n'est pas qu'internationale, heureusement pour les enfants en attente en France. Et ils sont nombreux, grands, en fratrie ou avec une "particularité", qui attendent sans que personne ne manifeste pour eux...

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anonyme

01/06/2007 - 23:12

Bien documenté !

Un enfant c'est sacré, et il symbolise l'innocence, quelle que soit son origine. C'est pour ça que ces dysfonctionnements actuels, cet immobilisme de l'autorité en charge de ce problème est d'autant plus inadmissible. Pour répondre au commentaire précédent, ce n'est pas vrai que personne ne "manifeste pour eux": La manifestation aura lieu demain après-midi à 15 h devant les locaux de l'AFA. Et c'est pour défendre l'adoption sans exclusivité. Enfin le droit à l'adoption qui est gravement menacé. Dominique (adoption au Vietnam et à Madagascar)

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anonyme

02/06/2007 - 14:20

En réponse à : anonyme - 01/06/2007 - 09:16

Enfants adoptables en France

Bonjour, Je me permets de répondre à votre commentaire concernant les "nombreux" enfants adoptables en France. Selon le rapport ONED paru récemment sur la situation des enfants pupilles de l'état (donc adoptables), ils étaient 2504 en date du 31 décembre 2005, chiffre en baisse depuis 2001. Il me semble donc que ce chiffre, trop élevé toujours pour des enfants en attente de famille, est finalement peu élevé comparé aux 30 000 familles qui attendent, sans oublier que plus de 45% de ces enfants ont entre 11 et 17 ans... Bravo à l'auteur de l'article qui a fait un travail de compréhension de l'adoption en France et une présentation claire et synthétique. Sandrine

anonyme

06/06/2007 - 14:25

Mais aussi...

Cet excellent article laisse de côté une information peu ou pas reprise par les médias et qui pourtant permet d'expliquer beaucoup de choses : la Directrice Générale de l'agence n'a AUCUNE expérience de l'adoption internationale. Elle est détachée de l'Administration Pénitenciaire. Quel rapport entre les prisons et l'adoption internationale ? Le fait que Mme Laure de Choiseul-Praslin soit l'épouse de Pascal Clément-Fromentel, Ministre de la Justice qui a inauguré l'AFA, fait peser un fort soupçon de népotisme sur cette nomination. Certaines nominations de complaisance peuvent s'avérer heureuses. Dans le cas de l'AFA, pourtant une excellente idée à l'origine, l'erreur de casting a tourné au désastre. Mépris envers les familles. Mépris également envers les interlocuteurs des pays d'origine des enfants, où les pratiques de l'AFA (tirage au sort notamment) et l'attitude hautaine de ses dirigeants est très mal perçue. Indifférence au sort des enfants abandonnés au Cambodge, au Népal, en Inde - où la France est étrangement absente *- ou ailleurs. Résultats désastreux, comme au Vietnam où 200 adoptions (au mieux) sont attendues dans l'année contre plus de 700 en 2005 et 2006, par des familles se débrouillant sans un sou d'argent public. Qu'attend-on pour renouveler l'équipe dirigeante de l'AFA ? Quels autres dégâts irréparables doivent-ils être commis ? Le silence des politiques, de droite comme de gauche, est affligeant. * http://www.timesonline.co.uk/tol/news/world/asia/article1627008.ece

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2007 May 31