Le fondateur des orphelinats Holy Baby s'explique
Le fondateur des orphelinats Holy Baby s'explique
Pascal Hourtoulle est le fondateur des orphelinats Holy Baby au Cambodge, et président de la fondation Roger Zanier qui finance cette action. Il s'explique sur son rôle.
Propos recueillis par Laurence de Charette
[24 novembre 2004]
LE FIGARO. – Les autorités françaises, comme dans une certaine mesure le dernier film de Bertrand Tavernier, dénoncent les dérives du processus d'adoption au Cambodge, aujourd'hui fermé aux Français. Qu'en pensez-vous, vous qui dirigez les orphelinats Holy Baby (où a tourné Tavernier) depuis près d'une dizaine d'années ?
Pascal HOURTOULLE. – Il y a des dérives, personne ne peut le nier. Je suis bien conscient qu'il y a des problèmes au Cambodge, des cas litigieux, et c'est pour cela que j'ai voulu mettre en place des procédures les plus fiables possible. Dans nos établissements, nous prenons désormais systématiquement des photos des personnes qui nous amènent l'enfant. Dans beaucoup de cas, les enfants nous sont d'ailleurs directement confiés par le ministère des Affaires sociales cambodgien. Depuis l'année dernière, j'ai imposé un délai d'un an avant toute adoption : pendant ce temps, les avis de recherche sont affichés à l'extérieur de l'orphelinat. Pas un enfant ne sort sans que j'aie personnellement étudié son dossier. De plus, depuis que nous sommes fondation d'entreprise, nous n'acceptons plus de dons. Ils sont reversés pour les enfants malades du sida.
Une association humanitaire cambodgienne, la Licadho, a fait état d'une affaire peu claire, où la mère biologique aurait finalement voulu récupérer son enfant. Le dossier est en tout cas actuellement examiné par la justice française...
Dans cette affaire, les accusations de la Licadho se sont révélées totalement fausses. Une enquête menée par l'ambassade de France et les autorités cambodgiennes a montré que la mère biologique n'était en réalité jamais revenue à l'orphelinat et qu'elle ne revenait pas non plus sur sa décision d'abandon. En réalité, cette femme, chercheuse d'ordures, vit un grand état de pauvreté et il ne faut pas perdre de vue que la survie du nourrisson était en jeu. Il y a effectivement eu un problème avec son état civil – l'enfant a été enregistré par les autorités cambodgiennes comme né «de mère inconnue» –, mais nous n'en sommes pas responsables...
La France a fermé les portes de l'adoption au Cambodge... Pensez-vous que cette décision soit bonne ?
De façon générale, l'un des gros problèmes au Cambodge, c'est l'absence totale d'état civil fiable. Des centaines d'enfants naissent sans être enregistrés nulle part, et cette situation peut engendrer des dérives. Il faut donc être particulièrement vigilant sur chaque dossier. Mais je regrette que les couples français ne puissent plus adopter actuellement au Cambodge : finalement, ce sont bien eux qui pâtissent de cette décision. Je suis un fervent défenseur de l'adoption. Je regrette que jamais personne de la MAI (mission pour l'adoption internationale, service du Quai d'Orsay) ou de l'ambassade ne soit venu voir concrètement sur le terrain comment on pourrait améliorer les choses...
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