Arche de Zoe: the five key persons of the trial
Arrêtés le 25 octobre dernier à Abéché, dans l'est du Tchad, six Français, trois Tchadiens et un Soudanais sont jugés à partir de ce vendredi par la Cour criminelle de la capitale tchadienne pour avoir tenté d'enlever 103 enfants alors présentés comme des orphelins du Darfour. Ce procès sera l'occasion pour les membres de l'Arche de Zoé de présenter leur version des faits. Retour sur les clés d'un procès hautement médiatique.
Eric Breteau, 37 ans, le leader du groupe, ancien commercial, ancien pompier volontaire, ancien président de la Fédération française de 4X4. Il s'est reconverti dans l'humanitaire en 2005 en partant à la rescousse des survivants du tsunami indonésien. Après un an et demi en Indonésie, où il a fondé sa propre association, l'Arche de Zoé, il décide de partir en mission exploratoire pour le Soudan. Terrifié par ce qu'il découvre au Darfour, il élabore tout un schéma pour sauver "10000 orphelins en France, en Belgique et en Amérique du Nord", en lançant notamment un appel sur les forums spécialisés sur l'adoption.
Emilie Lelouch, 31 ans, artiste de cirque. En 2005, elle devient ambulancière pour la Croix-Rouge en Indonésie, où elle rencontre Eric Breteau.
Nadia Merimi, 31 ans, infirmière, est celle qui, dans le reportage de Marc Garmirian, le journaliste de Capa, exprime le plus ouvertement ses doutes quant à l'origine des enfants.
Alain Péligat, 56 ans, le logisticien de l'opération. Ancien légionnaire, ce père de famille de six enfants (dont trois adoptés) est aussi vice-président du collectif des 258 familles d'accueil.
Philippe van Winkelberg, 48 ans, médecin généraliste à Castellane. Lui aussi envisageait d'accueillir avec sa femme un orphelin du Darfour.
Dominique Aubry, 50 ans, célibataire, sapeur-pompier volontaire et retraité de l'armée de l'Air. Il a rencontré Eric Breteau lors d'une mission en Indonésie pour le compte de Pompiers sans frontières.
Trois Tchadiens et un Soudanais sont également poursuivis comme complices.
Officiellement, la mission de Children Rescue (le nom présenté aux autorités tchadiennes) consistait à créer un centre de soins pour enfants. En réalité, les membres de l'Arche de Zoé voulaient ramener en France des "orphelins du Darfour". D'abord 10000, puis 1000, puis 300 pour finalement rassembler 103 enfants originaires de la zone frontalière entre le Tchad et le Soudan. L'enquête a montré qu'il s'agissait pour la plupart d'enfants tchadiens ayant encore au moins un parent.
Eric Breteau et sa compagne, Emilie Lelouch, cultivaient le goût du secret, sans doute échaudés par les mises en garde répétées des autorités (le ministère des Affaires étrangères, la Brigade des mineurs) sur l'illégalité de leur projet. Ont-ils abusé les accompagnateurs? En tout cas, les témoignages de salariés tchadiens recueillis depuis leur arrestation, le 25 octobre 2007, établissent que ces aides ne connaissaient pas les détails de l'opération d'exfiltration.
Quid des autorités françaises? Prévenus bien en amont, puisque le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire dès la fin du mois de juillet, ni les policiers, ni les magistrats parisiens n'ont été en mesure d'empêcher l'opération.
Les avocats ont été clairs: ils plaideront l'acquittement de leur client. Comme l'indique Mario Stasi, avocat de Nadia Merimi, il s'agit de "rétablir cette opération dans son sens humanitaire", dont l'intention était "vraiment de sauver des orphelins du Darfour". Et non d'enlever des enfants tchadiens.
Une défense "de rupture", comme l'appelerait Jacques Vergès, se profile aussi avec l'intervention de Gilbert Collard, avocat d'Eric Breteau. L'idée, a expliqué l'avocat, est de "faire comprendre à l'opinion publique et à la justice tchadiennes que la libération des trois journalistes français (obtenue le 4 novembre par Nicolas Sarkozy venu à N'Djamena, ndlr) ne peut être payée par le prix de la sévérité et d'une injustice à l'égard des autres accusés". En clair, toute cette affaire est politique. Du début -ce projet fou de secouer l'indifférence de l'Occident face au drame du Darfour- à la fin -un jugement à l'avance soupçonné de partialité.
Une position défendue par Emilie Lelouch jeudi matin au micro de France Info:
1/ Ils sont condamnés à une peine de travaux forcés (ils risquent de cinq à vingt ans), qu'ils purgent entièrement au Tchad.
2/ Ils sont condamnés puis remis à la France, selon les termes de la Convention bilatérale entre Paris et N'Djamena. Et ce après avoir purgé une partie de leur peine.
3/ Le président Idriss Déby fait usage de son droit de grâce, les libère et les renvoie en France.
Dans tous les cas, leurs familles et leurs avocats espèrent qu'une fois la sentence judiciaire prononcée, un règlement politique viendra clore une histoire qui embarrasse presque autant les deux pays. Car depuis quelques semaines, des accrochages meurtriers ont repris dans l'Est du Tchad, entre les rebelles et l'armée. Et dans ce conflit, le président Déby a besoin d'un appui inconditionnel de l'armée française, qui assure à ses troupes un renseignement opérationnel indispensable pour s'imposer sur le terrain.