exposing the dark side of adoption
Register Log in

Adoption: les ratages du contrôle

public
Le Quai d'Orsay a fermé les yeux sur l'origine, entachée d'irrégularités, de 13 petits Centrafricains.

Trafics, achats, abus de couples dont le désir d'adopter fait oublier l'intérêt de l'enfant : pour éviter ces dérives récurrentes, une convention internationale sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale a été négociée dès 1988. Ratifiée par la France en 1998, elle a notamment pour objet d'intensifier les contrôles sur les associations qui gèrent les processus d'adoption entre pays d'origine et pays d'accueil. En France, c'est la Mission de l'adoption internationale (MAI), dépendant du ministère des Affaires étrangères, qui délivre les habilitations aux OAA (organismes autorisés pour l'adoption) et les précieux visas pour faire entrer les enfants dans l'Hexagone. Et c'est elle qui assure théoriquement ce contrôle. Elle le fait mal.

Trafics, achats, abus de couples dont le désir d'adopter fait oublier l'intérêt de l'enfant : pour éviter ces dérives récurrentes, une convention internationale sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale a été négociée dès 1988. Ratifiée par la France en 1998, elle a notamment pour objet d'intensifier les contrôles sur les associations qui gèrent les processus d'adoption entre pays d'origine et pays d'accueil. En France, c'est la Mission de l'adoption internationale (MAI), dépendant du ministère des Affaires étrangères, qui délivre les habilitations aux OAA (organismes autorisés pour l'adoption) et les précieux visas pour faire entrer les enfants dans l'Hexagone. Et c'est elle qui assure théoriquement ce contrôle. Elle le fait mal.

L'histoire du couple D. signe un manque de sérieux de la MAI. Et illustre les dérapages de la deuxième structure française gérant ces adoptions, une association baptisée «Rayon de soleil de l'enfant étranger». Sur les 11 autres enfants adoptés en même temps qu'Oscar et Marlène, seuls deux petits n'avaient pas de parents. Le couple D., ­ c'est une première très inhabituelle ­, a demandé à l'avocat parisien Me Jean-Marc Florand de déposer plainte contre ces deux organismes et a engagé une procédure en Centrafrique.

En mars, quand les D. se sont tournés vers la MAI pour demander de l'aide, on leur a d'abord répondu que cela ne relevait pas de ses attributions. «Et ils nous ont dit que si nous ne voulions plus de ces enfants nous n'avions qu'à les mettre à la Dass...» Les actes de naissance étaient pourtant faux. Et le consulat de France à Bangui le savait pertinemment. Les fonctionnaires sur place soupçonnaient Rayon de soleil d'irrégularités et en avaient informé la MAI. En juin 2002, un fonctionnaire de l'organisme interministériel, M. Sixte-Blanchi, s'était même fait traiter de «foutu con, idiot qui veut faire du zèle» par Yolaine Naël, la responsable du secteur Afrique de l'association : «Il demande les statuts de notre antenne centrafricaine et des tas de paperasses ! Je ne sais pas ce qu'ils en font, des feux de cheminée ?»

Interventions. Le 30 juillet 2002, Philippe Douste-Blazy, député harcelé comme d'autres parlementaires par des familles adoptives sur les conseils de Rayon de soleil, avait fait savoir par courrier à l'association qu'il était intervenu personnellement auprès du ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, pour lui demander d'«examiner avec la plus grande bienveillance» la situation de ces enfants. Yolaine Naël était même allée jusqu'à écrire à Jacques Chirac pour se plaindre de l'attitude de la consule de l'époque : «Il s'agit d'enfants orphelins suite au VIH et dont la famille a signé un acte d'abandon (...). Aujourd'hui, alors que quatre enfants sont en possession de leur passeport, toutes les démarches ayant été faites régulièrement ­ il est hors de question de se livrer à un trafic d'enfants ­, nous apprenons que madame le consul de France ne délivrera les visas d'entrée en France qu'après authentification des documents déposés, ce qui peut demander de un à six mois. Je me demande : n'y a-t-il pas un excès de zèle ?» Au mois de novembre 2002, sur pression de l'Elysée, le ministère des Affaires étrangères avait demandé à la MAI de constituer les dossiers des 13 enfants. Sans vérification de l'authenticité des pièces incriminées.

«Ratées». Le consulat à Bangui, qui avait constaté que les trois quarts des actes d'abandon, non signés par les parents, étaient postérieurs aux jugements d'adoption, a dû obtempérer. Les enfants sont donc partis pour la France avec un simple laissez-passer délivré par la MAI. Celle-ci a admis, face aux époux D., que «toutes ces adoptions sont ratées». Un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères raconte : «Tout le monde s'en est mêlé, la présidence, le Sénat, les députés. On leur a donné l'ordre de passer outre à toutes les règles les plus élémentaires de l'adoption, et inch Allah.» L'ancienne consule de France, Mme Forgeron, a expliqué au couple pourquoi elle s'était opposée à ces adoptions : «Le principe semble très généreux, mais derrière, et surtout en Centrafrique, les parents abandonnent plus ou moins leurs enfants pour qu'ils aient un futur meilleur et la nationalité française.» Elle dit avoir constaté de «véritables trafics d'enfants» et des «détournements d'argent».

A placer. Après leur avoir suggéré de s'adresser à la Dass, la MAI a expliqué au couple «qu'ils avaient des devoirs parentaux et qu'ils devraient reprendre la procédure à zéro, depuis Bangui». Le ministère de la Famille de Christian Jacob n'a jamais répondu à leur demande de rendez-vous, alors que l'adoption fait partie de ses «chantiers prioritaires». Les services sociaux, eux, proposent de placer les enfants. Au ministère des Affaires étrangères on leur a conseillé de refourguer les petits Africains à Rayon de soleil. Sur le site du ministère, on peut lire : «On considère qu'il y a trafic d'enfant dès qu'un acte illégal attentatoire à son état est commis en vue du transfert de l'enfant d'une personne ou d'une institution à une autre.» Les autres familles ne souhaitent pas apparaître dans cette histoire, toutes craignant qu'on leur reprenne les enfants. Elles ont obtenu de la présidente de Rayon de soleil que les papiers des adoptés soient «rectifiés» à Bangui. Il n'est pas sûr que le procureur de Nantes se laisse abuser. Pour le Quai d'Orsay, il n'y a eu aucun dysfonctionnement de ses services et la procédure s'est déroulée correctement (1). La MAI a pourtant envisagé de demander le retrait d'habilitation de l'association.Mais n'en a rien fait. Depuis, Rayon de Soleil a fermé son bureau centrafricain.

(1) Les enregistrements réalisés par les parents indiquent que les fonctionnaires du ministère pensent exactement le contraire.

2005 Aug 5