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Orphelinats : retour à la case départ ? De notre envoyé spécial en Roumanie.

public
International - Article paru
le 29 décembre 1999

Orphelinats : retour à la case départ ? De notre envoyé spécial en Roumanie.

Il y a un an, au cours d’un reportage consacré aux orphelinats roumains (l’Humanité hebdo du 17 décembre 1998), nous écrivions qu’à de rares exceptions près les mouroirs n’existaient plus. La polémique continue toujours d’opposer diverses ONG sur l’état de ces établissements. Dans une lettre ouverte, Nadine Outin (Médecins du monde) et Gérard Luçon (Handicap International) dressent un bilan : " Il n’y a pas 600 orphelinats calamiteux en Roumanie, il n’y a pas 200 mouroirs, on ne fabrique pas des bêtes sauvages dans tous les orphelinats roumains. Entre 1990 et 1993, 558 institutions ont bénéficié de travaux de réhabilitation, écrivent-ils. Mais à cause d’une loi de décentralisation mal préparée, les départements se sont trouvés devant l’impossibilité d’assumer les financements. Pendant plusieurs mois, le personnel n’a pas été payé, les enfants ont souffert de nouveau de malnutrition chronique, du manque d’hygiène et de soins. La seule ressource pour les décideurs roumains a alors été de faire appel à nouveau, comme en 1990, à l’aide d’urgence internationale. "

Cette lettre se veut une réponse à une série d’articles très négatifs qui viennent de paraître dans la presse française. Outre le tableau très noir qui est brossé, la plupart des articles sont accompagnés de clichés horribles du photographe Jean-Louis Courtinat. La seule source humanitaire citée est l’association Solidarité Enfants roumains abandonnés (SERA). Médecins du monde et Handicap International accusent l’association SERA d’avoir profité de cette crise pour dramatiser le sort des enfants abandonnés afin d’obtenir des fonds.

Dans les milieux diplomatiques, on reconnaît que le président de SERA, François de Combret, est un homme complètement dévoué à la cause des enfants, mais sans doute à ses yeux la fin justifie-t-elle les moyens. Dans une lettre adressée au secrétaire d’État de la protection sociale, Gabriela Popescu, Combret lui demande de fermer le " camp de concentration nazi " de Horia, sous peine de faire paraître les photos du journaliste Jean-Louis Courtinat. Lorsqu’il s’adresse aux médias, cet ancien conseiller de Giscard, qui travaille aujourd’hui pour la banque Lazard, fait des déclarations fracassantes comme celle-ci, accordée récemment au Point : " Les 400 millions de francs [débloqués par la Commis] ion européenne de 1990 à 1997] n’ont pas bénéficié aux enfants abandonnés de Roumanie mais aux intermédiaires occidentaux chargés, par les services de la Commission, d’exécuter les programmes. " Pourtant, dans un article du Figaro de janvier 1996, il écrivait : " Côté positif, l’argent [les 400 millions] a servi à améliorer les conditions matérielles d’existence des enfants dans de nombreux orphelinats. Non pas que les mouroirs aient tous disparus, hélas ! Mais, globalement, la situation s’est incontestablement améliorée. " Interrogé sur cette polémique, le président de SERA persiste et signe : " Oui, il y a deux cents mouroirs en Roumanie. La situation est pire qu’en 1989. "

Le photographe Jean-Louis Courtinat, qui a réalisé son travail grâce à l’aide de SERA, précise qu’il a toujours été libre de faire ce qu’il voulait. " Les mouroirs concernent les centres pour handicapés, les "camin spital", et non pas l’ensemble des orphelinats. De plus, j’ai des tas de photos positives qu’aucun journal n’a voulu acheter ", dit-il. Selon Bogdan Simion, le représentant de SERA en Roumanie, il y aurait 39 "camin spital". Marie-Line Chopart, la coordinatrice de l’aide apportée par la France, a recensé 150 institutions en difficulté. Elle refuse toutefois de les considérer comme des mouroirs.

Le seul chiffre qui fait l’unanimité est le nombre d’enfants abandonnés : 147 000, contre 100 000 sous Ceausescu. Pour endiguer ce phénomène, la Roumanie, sous la pression de l’UE, a créé une agence qui devra concentrer les responsabilités jusque-là dispersées.

D. R.

1999 Dec 29